G20 à Johannesburg : L’Afrique du Sud face au défi de son propre leadership
- Tiffany Amrein
- 7 nov.
- 3 min de lecture

Pour la première fois de son histoire, le G20 se réunira sur le sol africain. Le 22 et 23 novembre, Johannesburg accueillera les dirigeants des 19 plus grandes économies mondiales, plus l’Union européenne et l’Union africaine, désormais membres à part entière. Pour l’Afrique du Sud, qui assure la présidence tournante du forum, ce sommet est bien plus qu’un événement diplomatique : c’est une occasion historique de repositionner l’Afrique au cœur des débats mondiaux, tout en affirmant son rôle de leader du Sud global. Pourtant, entre l’absence annoncée des Etats-Unis, les tensions internes et les critiques sur sa légitimité à parler au nom du continent, Pretoria doit naviguer entre ambition et réalité.
En novembre 2025, l’Afrique du Sud accueillera à Johannesburg le sommet du G20, une première historique pour le continent africain. Le président Cyril Ramaphosa veut faire de ce sommet un G20 du Sud global, centré sur la justice économique, la restructuration de la dette et la réforme des institutions financières et internationales. Cette ambition s’inscrit dans la continuité du rôle que l’Afrique du Sud revendique depuis la fin de l’apartheid, celui d’une puissance africaine émergente, passerelle entre le Nord et le Sud, héritière de la diplomatie morale de Nelson Mandela et de la Renaissance africaine prônée par Thabo Mbeki.
Cependant, derrière cette vitrine diplomatique, l’Afrique du Sud reste minée par des défis structurels qui mettent en péril sa crédibilité internationale. Selon la Banque mondiale (2022), elle demeure le pays le plus inégalitaire au monde, 10 % de la population concentre 80 % des richesses. Cette fracture économique s’explique largement par la persistance des structures sociales héritées de l’apartheid. Les écarts de revenus restent criants : un Sud-africain Blanc gagne en moyenne 3 fois plus qu’un non-blanc. Le chômage accentue cette fracture : au deuxième trimestre de 2025, il s’élevait à 33 % et dépassait 60 % chez les jeunes. Au sein du G20, des thèmes tels que la justice sociale ou la croissance inclusive sont centraux, Pretoria risque ainsi d’être perçue comme porteuse d’un discours déconnecté de sa propre réalité interne.
Ensuite, cette crise sociale endémique entretient un climat de tension général. L’Afrique du Sud compte l’un des taux de criminalité les plus élevés au monde, avec environ 75 homicides par jour en 2023. Trois de ses grandes métropoles figurent dans les villes les plus violentes au monde en 2025 : Pietermaritzburg (1ère), Pretoria (2ème) et Johannesburg (5ème). Les forces de police, minées par la corruption et le manque d’équipement, peinent à endiguer cette spirale de violence, affaiblissant la confiance de la population envers l’État. Par ailleurs, la corruption est devenue un phénomène généralisé sous la présidence de Jacob Zuma. Les montants détournés sur cette période équivalent à plus de 30 milliards d’euros. En comparaison, des pays voisins comme le Botswana se distinguent par une gouvernance plus transparente et une corruption nettement plus contenue, accentuant le contraste régional et la perte de crédibilité internationale de Pretoria. Sur la scène du G20, cette image ternie pourrait réduire l’autorité morale et politique de l’Afrique du Sud, notamment dans les discussions sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption mondiale.
Enfin le pays demeure marqué par de fortes tensions raciales. Ces dernières se sont réaffirmées à travers la rumeur d’un prétendu “génocide blanc”, largement relayée sur les réseaux sociaux et amplifiée par des figures publiques comme Elon Musk, d’origine sud-africaine. Cette controverse a provoqué un incident diplomatique après la rencontre entre Cyril Ramaphosa et Donald Trump qui s’est soldée par un échec, illustrant la difficulté du gouvernement à maîtriser sa communication internationale et à défendre une image cohérente du pays. Ces controverses détournent l’attention du rôle diplomatique du pays et alimentent une perception d’instabilité, difficilement compatible avec la posture d’un président du G20 censé incarner stabilité et autorité morale.
À la veille du G20, l’Afrique du Sud apparaît donc partagée entre ambition mondiale et vulnérabilité intérieure. Sa présidence du forum pourrait être une occasion historique de redéfinir la place du continent africain dans la gouvernance mondiale, à condition que Pretoria parvienne à concilier discours international et réalité nationale. Car pour convaincre ses partenaires du Nord comme du Sud, l’Afrique du Sud devra démontrer qu’elle peut transformer ses fragilités en leviers diplomatiques : parler d’inégalités tout en les combattant, promouvoir la sécurité régionale malgré une armée affaiblie et incarner la lutte contre la corruption malgré ses propres démons.
Johannesburg 2025 sera donc bien plus qu’un sommet : un test de cohérence pour un pays qui aspire à être la voix de l’Afrique dans le monde, mais qui doit d’abord prouver qu’il en est le reflet.





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