L’UNESCO au cœur des enjeux internationaux : retour sur l’élection de Khaled El-Enany à la Direction générale.
- Kim Beard
- 20 oct.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 oct.

Le 6 octobre 2025, Khaled El-Enany, ancien ministre égyptien du Tourisme et des Antiquités, est désigné Directeur général de l’UNESCO par le Conseil exécutif. Il a recueilli 55 voix sur 58, contre 2 pour son adversaire congolais Firmin Edouard Matoko, tandis que les États-Unis se sont abstenus. Au-delà de cette nomination, ce vote reflète des dynamiques actuelles des relations internationales : la quête de visibilité des pays du Sud global dans l’organisme onusien, l’instrumentalisation de la question budgétaire par Washington et Pékin, ainsi que le plafond de verre rencontré par la République du Congo dans le succès de ses candidatures.
Premier Directeur général arabe et le second Africain à diriger l'organisation depuis le Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow en 1974, l'élection de Khaled El-Enany marque une étape diplomatique importante pour la représentation des pays du Sud global sur la scène internationale, notamment pour l’Afrique et le monde arabe, les deux régions comptant le moins de sites inscrits au patrimoine mondial.
À travers son programme “UNESCO for the Peoples”, il défend une politique inclusive prônant l’éducation culturelle, la coopération scientifique et la protection du patrimoine mondial. Ses priorités - ciblées sur l’égalité des genres, l’accès à l'éducation et le développement durable - s'inscrivent dans la continuité de la Stratégie à moyen terme 2022-2029 (41 C/4) de l’UNESCO, de l’Agenda 2030 des Nations unies, ou encore de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Néanmoins, sa nomination ne fait pas l’unanimité. Plusieurs experts du patrimoine, y compris en Égypte, critiquent sa gestion passée en matière de préservation patrimoniale, jugée parfois modernisatrice et destructrice de sites historiques.
Lors de sa campagne menée sur deux ans, El-Enany a reçu le soutien de l’Union africaine, de la Ligue arabe, mais aussi de la France, avec laquelle l’Egypte intensifie ses liens diplomatiques, économiques et culturels. Cette promotion contraste avec celle de son concurrent Firmin E. Matoko, dont la campagne plus brève et l’absence de ses principaux partenaires, déjà acquis par El-Enany, n’ont pas permis à la République du Congo de s’imposer. Ainsi, au-delà des disparités Nord-Sud, cet écart net dans les voix récoltées (55 contre 2) met en évidence l’existence de disparités internes au Sud global en matière de ressources diplomatiques et d’influence, et vient confirmer la place de l’Egypte comme un acteur régional de premier plan.
L’environnement géopolitique actuel participe également à ce résultat. Selon l'historienne et spécialiste des organisations internationales Chloé Maurel, l’élection de Khaled El-Enany peut avoir un effet positif sur la situation en Palestine, membre de l’UNESCO depuis 2011, et dont trois de ses cinq sites inscrits au patrimoine mondial sont aujourd’hui en péril. Parallèlement, l’abstention américaine lors du vote inscrit dans la réalité le troisième retrait officiel des États-Unis prévu en 2026, une décision qui va engendrer une baisse du budget de l’organisation, estimée de 8 à 11 %. Cette place vacante offre toutefois à la Chine, déjà premier contributeur financier de l’organisation, l'opportunité d’y accroître son influence, illustrant par la même occasion la présence de la rivalité sino-américaine au sein même de l’UNESCO.
Par conséquent, ce vote du 6 octobre 2025 rappelle ainsi que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture est aussi un théâtre diplomatique où se retrouvent les paradigmes des relations internationales. La validation officielle de la nomination de Khaled El-Enany est prévue le 6 novembre 2025 à Samarcande (Ouzbékistan) lors de la Conférence générale. Une décision qui devrait se confirmer, le Conseil exécutif n’ayant vu aucune de ses recommandations contestées à ce jour.





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