Les diplomaties féministes : entre discours symboliques forts et financements insuffisants
- Emerence Gillier
- 5 nov.
- 3 min de lecture

C’est dans un contexte global de backlash et de régression des droits des femmes que s’est tenue les 22 et 23 octobre derniers la 4e conférence ministérielle des diplomaties féministes à Paris sous le thème « Résister, unir, agir ». Cet événement international a rassemblé les ministres des Affaires étrangères d’une cinquantaine d’Etats engagés, des représentants des organisations internationales, des banques de développement, des mouvements féministes, des chercheurs et fondations philanthropiques autour de tables rondes thématiques permettant le partage de bonnes pratiques, la coordination des acteurs et le renforcement de la visibilité des initiatives féministes.
Le concept de diplomatie féministe, aussi dénommé politique étrangère féministe (PEF), consiste à promouvoir et défendre les droits des femmes et l’égalité de genre, de façon transversale, dans tous les domaines d’action extérieure comprenant la sécurité, le développement, le climat, la gouvernance démocratique, le commerce, la santé ou encore l’éducation. Il a notamment été mobilisé par les Etats comme un levier géopolitique pour peser sur la scène internationale en affichant leur respect du droit international et du système multilatéral.
Les acteurs étatiques faisant vivre la diplomatie féministe sont variés et représentent autant les pays du Nord que du Sud. Le discours d’ouverture du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères français appuie d’ailleurs sur le fait que ce n’est pas un concept occidental, en réponse à des critiques reçues, mais que les droits des femmes sont bel et bien des droits fondamentaux et universels. A l’origine, la Suède a lancé la première politique étrangère féministe en 2014, puis l’a ensuite abandonné sous un gouvernement conservateur, tandis que d’autres Etats ont progressivement rejoint le mouvement comme le Canada, la France, le Mexique, le Liberia, la Thaïlande ou encore le Maroc qui l’a intégré en septembre dernier.
Si le concept de diplomatie féministe a le potentiel de changer la donne et de résister aux mouvements conservateurs et anti-droits, encore faut-il lui allouer des ressources financières à la hauteur de l’ambition défendue. Les efforts devraient être d’autant plus redoublés en raison du contexte préoccupant dans lequel s’inscrit cette conférence : montée en puissance des régimes réactionnaires et conservateurs, diffusion massive de discours masculinistes dans les espaces numériques, recul des droits des femmes et retrait des financements américains via l’USAID. A la lecture de divers discours tenus lors de cette conférence, les participants semblent conscients de l’urgence à agir pour contrer la bataille culturelle qui se joue contre les droits des femmes. Cependant, cette défense symbolique doit être impérativement combinée à des financements suffisants notamment réclamés par de nombreuses associations, dont l’Institut du Genre en Géopolitique dans la tribune de Mediapart du 21 octobre 2025. D’après le Collectif pour une politique étrangère féministe, les montants demeurent effectivement dérisoires et le constat d’une forte réduction de l’aide publique au développement (APD), y compris dans les pays dotés d’une PEF, est alarmant. En 2024, la part de l’APD a chuté de 9% et l’OCDE prévoit une diminution supplémentaire de 9 à 17% en 2025.
Cette conférence a toutefois abouti à une déclaration politique commune signée par 31 Etats, issus de tous les continents, pour réaffirmer leur engagement en matière d’égalité des genres. A titre d’exemple, les Etats ont déclaré comme priorité nationale et internationale la lutte contre les violences fondées sur le genre. Ils se sont engagés à promouvoir la santé et les droits sexuels et reproductifs et à garantir l’égale participation des femmes dans les processus de décision. Ils ont également reconnu l’importance d’impliquer les hommes et garçons comme agents du changement et bénéficiaires de l’égalité de genre.
Cette déclaration reste certes encourageante, mais ne saurait nous faire oublier que, d’après les estimations de ONU Femme, il faudrait encore patienter 300 ans avant d’atteindre l’égalité de genre à l’échelle planétaire au rythme des progrès actuels. La mobilisation a encore de longs jours devant elle !





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