À Tianjin, les États d’Asie centrale au cœur de la réorganisation de l’ordre mondial
- Mathias Iochum
- 30 sept.
- 2 min de lecture
Les 31 août et 1er septembre s’est tenu à Tianjin, dans le nord de la Chine, le 25ᵉ sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Créée en 2001 à l’initiative de Pékin et de Moscou, cette organisation régionale a pour but de renforcer la coopération en matière de sécurité, de développement économique et de dialogue politique. Derrière ce cadre institutionnel, l’OCS s’impose de plus en plus comme un instrument de projection de la puissance chinoise, notamment en Asie centrale. Les États de la région, membres fondateurs et partenaires historiques de la Chine, se retrouvent ainsi à la croisée des chemins entre Pékin et Moscou.

La photographie du sommet ci-dessus, diffusée par le Kremlin, illustre à elle seule l’ambition chinoise de remodeler l’ordre international. On y voit au premier plan le président chinois, hôte de la rencontre, affichant un discret sourire aux côtés de Vladimir Poutine et de Kim Jong Un. La mise en scène frappe par sa portée symbolique et suggère clairement le projet de recomposition mondiale porté par Pékin. À l’arrière-plan apparaissent les dirigeants d’Asie centrale, notamment l’Ouzbek Chavkat Mirzioïev et le Kazakhstanais Kassym-Jomart Tokaïev. Leur position sur la photo, encadrés par Xi Jinping et Vladimir Poutine, est éloquente : elle invite à s’interroger sur la place de l’Asie centrale dans ce nouvel ordre international.
Officiellement, l’OCS promeut un multilatéralisme peu regardant sur le type de gouvernance, centré sur la sécurité régionale et la lutte contre le terrorisme. Dans les faits, ses compétences restent limitées et l’organisation sert davantage de tribune à résonance internationale. Toutefois, elle joue un rôle stratégique pour la diplomatie chinoise en construisant un contre-modèle. À Tianjin, les déclarations finales ont ainsi insisté sur la nécessité de bâtir un monde multipolaire plus équitable, reprenant une rhétorique opposée à l’influence américaine et européenne.
Depuis une dizaine d’années, la Chine a considérablement renforcé sa présence économique et politique en Asie centrale. Pékin est devenu le premier partenaire commercial du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan, et investit massivement dans des projets d’infrastructures stratégiques. Cette dynamique est particulièrement visible dans le développement des coentreprises, notamment dans le secteur énergétique, qui offrent aux acteurs centrasiatiques des conditions plus équilibrées et respectueuses de leur souveraineté. Pour les États d’Asie centrale, l’opportunité est double. Bénéficier d’investissements massifs tout en évitant des dépendances excessives, notamment vis-à-vis de Moscou.
La Russie demeure un acteur majeur dans la région, conservant une influence militaire, économique et culturelle. Toutefois, depuis l’invasion de l’Ukraine, son influence dans la région recule, notamment au profit de la Chine. Cette défiance envers Moscou se manifeste tant sur le plan diplomatique (refus de reconnaître les annexions russes) que sur le plan économique (attribution des réacteurs nucléaires kazakhstanais à la Chine). Les autorités centrasiatiques, fidèles à leur politique multivectorielle, cherchent désormais à équilibrer leurs relations extérieures entre Pékin et Moscou.
Dans ce contexte de recomposition des influences, les pays d’Asie centrale explorent une voie propre, celle du régionalisme. Cette dynamique est récente et succède à des conflits régionaux et à des politiques largement isolationnistes ; elle prend forme sous l’impulsion du binôme Tokaïev–Mirzioïev. Parallèlement, leurs politiques multivectorielles, fondée sur la neutralité et le non-alignement, leurs offrent une marge de manœuvre appréciable dans un monde en recomposition.





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